Après le protectorat, l’évolution du système douanier marocain a été marquée par deux étapes principales, la première visait l’adaptation à l’état d’indépendance, la deuxième consistait en une grande réorganisation d’ensemble. En effet depuis que le Maroc avait recouvré son indépendance en 1956, il a du affirmer sa souveraineté à l’intérieur et à l’extérieur, faire face aux charges nouvelles et chercher à développer son économie. Des aménagements fragmentaires furent opérés par le nouveau makhzen notamment dans le domaine des réformes fiscales. Parmi ces réformes, s’inscrivait la réorganisation du système douanier qui pendant tout le protectorat s’était basé sur le principe de la perception d’une taxe uniforme de 12,5 % ad valorem sur tous les produits importés.

La réorganisation résultait du dahir du 24 mai 1957 qui institue un tarif différentiel à but protecteur inspiré des recommandations du GATT (General Agreement on Tarifs and Trade) auquel le Maroc n’avait pas encore adhéré à l’époque.

Une taxe d’exportation sur les minerais et les agrumes, une taxe statistique sur tous les autres produits exportés complétèrent la fiscalité douanière existante. Les taxes intérieures de consommation sur les vins, alcool, bières, pétroles etc… continuèrent à assurer d’importantes ressources indirectes pour le budget général de l’État.

Les droits de douane à l’exportation ont été aménagés en raison des impératifs d’ouverture de l’économie marocaine sur le monde extérieur. En outre, le Maroc se trouvait dans la position des pays qui devaient imposer faiblement les exportations parce qu’il ne voulait pas alourdir le prix des produits exportés pour les rendre plus compétitifs sur le marché international. Cependant, malgré l’application d’une taxe sur les agrumes à l’exportation, le pourcentage des droits à l’exportation par rapport aux recettes fiscales totales demeurait assez faible. En 1971, les recettes fiscales à l’exportation représentaient seulement 10,7 % des recettes douanières totales.

Pour appuyer ses démarches de développement, le Maroc, tout en proclamant la nécessité d’une imposition des entrées des marchandises, avait accentué les écarts de droit entre les articles prioritaires pour l’exécution des plan d’équipement, les produits alimentaires et les produits de luxe très lourdement taxés ou les importations concurrentielles. Le jeu de taxes nouvelles ajouté à l’accroissement du volume des importations a fait doubler entre 1957 et 1963 les produits douaniers10.

Déjà en 1937, on s’était penché sur le problème de la révision des tarifs à l’importation pour tenir compte non plus de la liberté commerciale et de l’égalité, grands slogans des théoriciens classiques, mais des besoins du Maroc moderne qui devait assurer son équilibre budgétaire et la protection d’une industrialisation naissante. La guerre devait empêcher l’application des mesures envisagées. La question fut reprise en 1955 car l’industrie locale réclamait avec insistance une protection que le tarif ad valorem uniforme conventionnel de 10 % n’assurait plus. Des campagnes de presse précipitèrent la décision d’instaurer un tarif différentiel. La réforme a été réalisée rapidement par le Maroc indépendant.

Le tarif douanier instauré par le dahir du 24 mai 1957 était donc aménagé chaque année en raison non seulement des fluctuations de la conjoncture économique nationale mais tout aussi en raison de l’incidence des droits et taxes sur les prix intérieurs. Les droits de douane se divisaient en deux grandes catégories suivant qu’ils atteignaient les marchandises au moment de leur entrée ou à leur sortie du territoire assujetti.

Le budget général de l’État les classèrent en six catégories :

- les droits à l’importation ;

- la taxe spéciale à l’importation ;

- les droits de statistiques d’exportation ;

- les droits de sortie sur les minerais ;

- les droits de sortie sur les autres produits ;

- les recettes diverses.

En principe, le nouveau tarif des douanes se dédoublait en un tarif officiel (dit tarif général) et un tarif d’usage (dit tarif usuel) dont il était fait application à titre provisoire. Dans la pratique, seule le tarif usuel était appliqué. Ce double tarif était en réalité la conséquence des recommandations faites par le GATT aux pays participants. Le tarif général officiel, qui n’a jamais été appliqué, s’inspirait directement de la nomenclature douanière de Bruxelles. Le tarif usuel qui était conçu dans la même structure préconisait des taux de droit de douane modérés. Ainsi, le Maroc appliquait un tarif qui se voulait conforme aux normes internationales bien qu’il n’ait pas encore adhéré au GATT. d’autre part, il ne s’était pas dégagé des servitudes contractuelles de l’acte d’Algésiras.

Pour permettre la réalisation des aménagements des structures tarifaires, le dahir du 6 Septembre 1967 habilitait le Ministre des Finances , en cas d’urgence ou quand les circonstances exigent une prompte reconsidération du tableau des droits, à modifier le tarif douanier par arrêté. Cet arrêté devait toutefois être pris après avis du Ministre de l’Economie Nationale et du Ministre responsable de la ressource. La même procédure était applicable pour les simples modifications de la nomenclature tarifaire. Toutes ces modifications devaient cependant être homologuées ultérieurement par la prochaine loi de finances.

Aux droits de douane, s’ajoutait une taxe spéciale à l’importation qui était prévue à titre provisoire par l’article 66 de l’acte d’Algésiras. Le dahir de 1957 avait maintenu cette taxe qui était perçue en même temps que les droits de douane.

Un nouveau régime des importations a été instauré après que le système des autorisations de 1964 eut été devenu si complexe que seuls les spécialistes en connaissaient toutes les arcanes11.

La circulaire n° 1161 et l’avis aux importateurs n° 715 édités par l’Office des Changes avaient désormais répartis, à partir du 1er juin 1967 les produits en trois catégories :

1- les produits de la liste A libres à l’importation et qui devaient répondre à l’un des quatre critères suivants :

- matières premières, produits et matériels non produits localement ;

- produits de consommation à droits de douane très élevés ;

- produits de très petite consommation ;

- produits de production locale normalement exportés, donc ne craignant pas la concurrence étrangère.

2- les produits de la liste B soumis à autorisation d’importation :

Il s’agissait des produits de production ou de fabrication locale, agricoles ou industriels ainsi que les produits contrôlés à l’importation pour des raisons techniques ou commerciales. Les produits de l’espèce, inventoriés à la liste B pouvaient être importés sous le couvert d’un certificat d’importation délivré par le Ministère du Commerce et visé par l’Office des Changes.

3- Les produits de la liste C prohibés à l’importation :

La liste C énumérait les produits frappés d’une prohibition absolue. Elle concernait les produits dont les besoins étaient couverts localement et dont l’importation risquait de porter préjudice à la production nationale ainsi que les produits non indispensables.

Le Ministre du Commerce, de l’Artisanat, de l’Industrie et des Mines présentait en 1967 avec un grand optimisme les nouvelles procédures d’importation en déclarant notamment :

“ Ce nouveau régime fera souffler sur le commerce marocain d’importation un vent nouveau. Désormais, la recherche des meilleures conditions de prix et de qualité l’emporta sur toute autre considération. Tant notre commerce s’en trouvera réanimé et diversifié et une concurrence saine et dynamique y régnera, qui sera bénéfique pour le consommateur. D’ailleurs, la libération introduite par le nouveau régime va au devant des souhaits maintes fois exprimés par les organisations professionnelles nationales. Il est en conclusion permis de penser que les nouvelles mesures auront incontestablement une action d’assainissement administratif, économique et financier, qui contribuera à la réanimation de la vie économique et commerciale du pays”.*

 



 

 

 

10Loze Marc – Les finances de l’Etat – Edition Laporte Rabat.
11Note du Ministre du Commerce, de l’Artisanat, de l’Industrie et des Mines n° 340 dejuin 1967.