Le trafic extérieur tenait dans la vie des anciens Empires une place relativement importante. Pour l’Etat, c’était une source de revenus et de profits. Cependant, nous n’avons pas beaucoup d’informations sur l’existence de péages ou de droits de douane. Peut être faut-il expliquer cette situation par les difficultés et les dangers du commerce maritime et du commerce caravanier ? L’Etat devait absolument assurer la protection du convoi, les ressources qu’il en tirait revêtaient alors la forme de commissions et de profit. Il est possible que, dans certains cas et du moins pour certains produits, un véritable monopole du commerce extérieur ait existé. 

Il n’est pas facile de savoir dans quelle mesure les premiers Etats eurent-ils recours à l’impôt sur le commerce extérieur. Ce dernier prélèvement pouvant être affecté en nature et il le fut certainement. Son origine ne peut être recherchée qu’à une période antérieure à l’apparition de la monnaie. 

Le bassin de la Méditerranée se caractérisait par la juxtaposition de plaines relativement fertiles, mais de dimensions limitées. Depuis l’antiquité, des terres fertiles, riches de leurs céréales, de leur huile ou de leur vin, voulurent se procurer les matières premières, le bois et les métaux qui leur faisaient défaut. La naissance d’une classe de dirigeants et de privilégiés créa un besoin d’importation de produits de luxe plus ou moins élaborés tels, la pourpre, les perles et la soie. Cet arrière plan économique, signifiait l’existence de trafics par mer qui pouvaient se prêter aux impôts les plus simples : les péages. Faire payer en fonction du tonnage des navires ou du nombre des animaux de bât, prélever une part des marchandises de grande valeur, sur les lieux de débarquement ou aux points de passage obligé, ce fut dès les temps les plus reculés le moyen le plus simple de percevoir l’impôt. C’est pourquoi les péages, les droits de douane semblent avoir tenu une place importante dans les systèmes financiers de l’antiquité.

On a souvent essayé d’affirmer que le Maroc avait réussi à entrer dans l’histoire en général et l’histoire économique en particulier grâce à ses rapports mercantiles avec les Phéniciens. Ces derniers habitaient en effet la côte Méditerranéenne située entre l’Asie mineure et l’Egypte. Ils étaient des marins et des commerçants très audacieux. Ils parcouraient en tous sens la Méditerranée et installaient des magasins, des entrepôts, dans les Iles, sur les caps ou au fond des golfes faciles à défendre. C’est ainsi qu’il y a environ trois mille ans, ils vinrent fonder des colonies commerciales sur les côtes marocaines. Ce furent peut-être les premières structures douanières de contrôle du commerce maritime marocain.

Les Phéniciens d’abord, les Carthaginois ensuite, ont marqué la vie maritime en Méditerranée et ont laissé au Maroc une empreinte particulière qui a permis de remonter le cours de son histoire à partir du XIIème siècle avant Jésus Christ. Leur civilisation se distingue par une maîtrise de l’écriture, des échanges et de la navigation, ce qui leur a permis de mettre la main sur une grande partie du bassin méditerranéen. Le premier fait historique connu, mais d’une façon fort imparfaite, est l’apparition vers le XIIème siècle avant Jésus Christ des Phéniciens sur les côtes marocaines. Les navigateurs de Tyr et de Sidon y établirent des comptoirs, véritables postes marocains de douane. On y troquait les objets fabriqués d’origine orientale contre les produits locaux d’origine animale et agricole (bétail, laine, peaux) ainsi que les produits d’Afrique méridionale.

L’identification des voies commerciales dans la haute antiquité était étroitement liée à l’observation du développement, d’une part des moyens de transport et d’autre part, des corrélations et provenances possibles des produits finis et matières premières. Le char, le traîneau et la barque ouvrirent les voies de la colonisation et de l’exploitation commerciale. Les grandes caravanes de Phénicie (VIII avant J.C), de Carthage (V avant J.C), de Rome (II avant J.C) puis bérbero-romains (Juba I, Juba II) arrivaient à Tanger, venant du Sénégal et de Tounbouktou par les pistes de Mauritanie et du Soudan. Après le grand relais du Tafilalet, les caravanes, en provenance du Sénégal ou du Niger, remontaient la vallée du Ziz vers Tingis. Les moyens de transport utilisés furent les boeufs, les éléphants qui étaient propriété de la banque et de la “douane” de Tingis34.

On peut donc observer le rôle de “l’autorité douanière” du Maroc antique dans le développement du commerce et des échanges. Cette ”autorité douanière” qui représentait le pouvoir central n’avait pas que des préoccupations fiscales, mais un véritable rôle de partenariat. D’ailleurs les mandataires de la banque de Tingis et leurs serviteurs firent toujours partie des immenses caravanes commerciales. Ces caravanes qui s’allongeaient sur des kilomètres comprenaient en général deux cents éléphants et quatre cents bovidés.

L’escorte était assurée par cinq cents cavaliers. La caravane pouvait parcourir soixante à quatre vingt kilomètres par jour35.

La colonisation des phéniciens à partir des côtes Nord du Maroc marqua ainsi le début d’une activité commerciale antique, qui depuis n’a cessé de s’accroître et de s’amplifier. Les géographes grecs et latins vantent à l’envi l’abondance et la variété des productions naturelles de la Mauritanie Tingitane. Les témoignages des auteurs de l’époque tel que Strabon ainsi que les inscriptions36 ou les monnaies37 permettent aujourd’hui de dresser un tableau assez complet des marchandises échangées. Les détails que les auteurs anciens nous ont transmis sur la géographie économique38 du Maroc dans l’antiquité sont aussi précis qu’impressionnants. L’existence des sources d’eaux minérales nous est attestée par quelques noms des lieux : Aquac Daticac ou Daciacae sur la route de Tingis à Volubilis39. Le citrus et le thuya abondaient en Tingitane, leurs veinures présentaient des formes diverses. Ces produits étaient très recherchés par les Romains et servaient à faire des tables d’une grande valeur.

Mais les principales productions végétales de la Mauritanie Tingitane étaient le blé et la vigne. Au revers d’un certain nombre de monnaies, un épi de blé et une grappe de raisins sont souvent représentés à la fois40. Flavines Joseph disait de la Mauritanie qu’elle était l’un des greniers de Rome41. Strabon, Herodote et Pline rapportent des témoignages sur l’existence d’une grande variété d’animaux sauvages et domestiques (éléphants, abeilles, singes, gazelles, bubales, lions, léopards et chevaux) qui avaient animé une grande activité de commerce extérieur marocain. Les côtes de la Tingitane étaient également très poissonneuses. Ainsi, les gens de Gabés, nous rapporte Strabon, descendaient pêcher jusqu’au Lixus. Ils y prenaient des thons qui sont figurés au revers des monnaies autonomes de Lixus comme au revers de celles de Gabés même42. Les meilleures qualités des thons, au jugement des anciens, étaient ceux que l’on capturait au-delà des colonnes d’Hercule.

Il faut rappeler enfin que de tout temps, la Mauritanie, comme le reste de l’Afrique du Nord, a fourni des esclaves aux Carthaginois et aux romains. Le tableau ci-après relate l’importance et la diversité de l’activité du commerce extérieur du Maroc antique43 qui fut d’une manière ou d’un autre objet de contrôle douanier.

 

De l’étude de ces données, on peut tirer quelques conclusions sur le commerce de la Tingitane et sur le caractère des établissements qui y ont été fondés tour à tour par les Carthaginois et les Romains.

Dans son ouvrage “de la politique et du commerce des peuples de l’antiquité” , Heeren précise que les Phéniciens et les Carthaginois allaient chercher sur le littoral africain de l’atlantique des métaux précieux et des objets de luxe. Les Phéniciens et les Carthaginois étaient donc descendus au-delà de l’Oued Draâ. Cependant, ils n’avaient pas essayé de pénétrer à l’intérieur du pays ni de soumettre sa population locale. Leur politique commerciale visait à la base, à établir sur l’Atlantique, comme sur la Méditerranée, une ligne ininterrompue de postes où leurs navires faisaient escale et où s’effectuaient les transactions commerciales.

Au cours de son fameux “Périple”, Hannon installa au milieu du Vème siècle, sur la côte atlantique sept colonies entre le cap soloeis et le Doras, dont l’une à l’embouchure du Sebou. Rusaddir (Melilla), Septem (Sebta), Tingis (Tanger), Lixus (Larache) et Sala (Shella) furent les principaux établissements carthaginois et probablement les centres du contrôle douanier de l’activité de commerce extérieur effectuée dans ces ports.

Quand aux carthaginois, ils étaient curieusement aussi discrets qu’entreprenants . Pour désorienter leurs rivaux, ils occultaient soigneusement les résultats de leurs voyages. Comme il n’y a pas d’indications sur le commerce qu’ils ont animé, on ne peut que faire des suppositions par analogie avec ce qui s’est passé au temps des Romains.

 

Ces premiers échanges se faisaient sous le contrôle d’hommes armés qui avaient, sans doute, la charge du contrôle douanier parmi leurs fonctions. Il convient de signaler à ce sujet que le Maroc a connu une relative organisation administrative à partir du Vème siècle avant J.C.. Cette structure englobait des missions douanières qui furent à l’époque probablement limitées au contrôle de la régularité des opérations du commerce extérieur et à la sécurité des biens et des intervenants.

 

L’ÉPOQUE ROMAINE

Dans une étude consacrée à l’expansion de Rome et au commerce méditerranéen, l’historien Ardant Gabriel44 remarque à juste titre que : ”l’histoire romaine semble contredire les conclusions tirées de l’étude d’autres Etats. Le peuple qui conquit le monde méditerranéen n’était-il pas un peuple de paysans dont la force reposait plus sur la valeur combative des citoyens que sur une assise commerciale, et poursuite financière”.

L’infrastructure économique du système fiscal nous aidera à comprendre la configuration de l’Empire Romain, cet Etat étendu sur les bords d’une voie naturelle, la Méditerranée. Rome a suivi , en effet, la ligne des comptoirs grecs et carthaginois. Dans une large mesure, ces extensions ont répondu à des soucis commerciaux directs. La conquête de la Gaule se justifiait selon les historiens par un but commercial : maîtriser un pays de transit entre la Méditerranée et l’océan. Un transit facilité par l’heureuse disposition des voies navigables. Un texte de Strabon sur le caractère ”providentiel” de la disposition des fleuves gaulois est le signe de l’importance attachée par les romains au transit par “l’isthme gaulois”45. Si l’on découpe l’histoire de l’Empire Romain en grandes périodes, l’influence des échanges s’y marque avec une particulière netteté. La puissance de l’empire aux premier et second siècles de notre ère a coïncidé avec un développement caractérisé de l’économie d’échange et de commerce international.

Au commerce intérieur s’ajoutait un trafic international, pour porter essentiellement sur les objets de luxe, la soie, les épices, n’en présentait pas moins une réelle importance. Le régime fiscal de l’Empire de Rome reposait sur le principe de tributum (tribut), dont les provinces devaient s’acquitter envers le peuple romain en vertu du droit de conquête. Il s’y ajoutait des impôts indirects : des droits de douane (portoria), ainsi que des taxes d’octroi ou de péage, prélevés au profit des cités. 

En raison de considérations économiques, la domination romaine en Tingitane eut un tout autre caractère que celle de Carthage. Du Nord-Ouest de l’Afrique, les Romains n’importèrent pas seulement des objets de luxe, mais encore et surtout des denrées de première nécessité comme les céréales. Le blé devint désormais le principal produit d’exportation du Maroc, et ceci continuera jusqu’à la veille du XXème siècle. Ne dit-on pas que c’est la charrue berbère qui a fait de la Mauritanie Tingitane le grenier de Rome46.

Les historiens de l’antiquité, cités plus haut, nous rapportent que les Romains importaient régulièrement de la Tingitane les denrées et les produits suivants :

1) produits agricoles de première nécessité (blé, huile), que recevait le service public de l’annonce et que l’empereur, distribuait à bas prix ou gratuitement aux citoyens pauvres dans la capitale ;

2) aliments de luxe, pintades, escargots, miel, poisson ;

3) plantes médicinales comme l’euphorbe ;

4) essences végétales précieuses comme le citrus ;

5) peaux d’animaux ;

6) ivoire ;

7) animaux sauvages pour les jeux de cirque et des chevaux pour les courses de chars ;

8) pourpre et du purpurissimum ;

9) perles ;

10) esclaves.

Ainsi, l’activité des commerçants de Rome s’étendait jusqu’au Daras (Draâ). Mais à l’exemple des Carthaginois et des Européens qui viendront s’installer au Maroc à partir du XIIème siècle, les Romains s’étaient borné à reconnaître le littoral et à s’établir dans quelques ports bien choisis. A la différence de leurs prédécesseurs Carthaginois, ils auraient été les premiers à avoir organisé le commerce extérieur après une occupation militaire de quelques parties du territoire marocain. En l’an 42 après J.C. les ports de Tingis et de Lixus élevées au rang de colonies, sont aménagées pour recevoir les marchandises importées d’Italie ou d’Espagne. On y stockait les marchandises destinées à l’exportation par les caravanes en provenance des provinces intérieures. Au second siècle, en plus de la route de mer que suivaient les navires depuis Tingis jusqu’à Portus Divini en Césarienne, deux axes commerciaux desservaient la province : le premier de Tingis à Shellah longeant la côte et le second plus à l’Est de Tingis à Volubilis.

Les limites de la province romaine au Maroc coïncidaient, non pas par hasard, avec celles de la partie la plus riche du pays. On peut dès lors remarquer l’emergence, depuis cette époque, de la notion coloniale du Maroc utile développé, quelques siècles plutard, par la France au Maroc pendant le protectorat .

 

Les Romains exportaient énormément les produits marocains en Italie, alors qu’ils n’importaient que très peu de produits prélevés sous l’exigence des italiens au Maroc47. Une grande partie des marchandises était exigée à titre d’impôt sur la population autochtone. Le reste était sans doute payé en numéraire ou troqué contre des objets en verroteries ou en poterie. Le commerce de Rome avec la Mauritanie Tingitane se faisait par l’entremise des ports espagnols. Une inscription d’Hispoalis (Séville) présente un adjutor du préfet de l’annonce qui surveillait le transport des huiles et autres denrées provenant en transit du Maroc.

Une grande partie des produits étaient exportés de la Tingitane à destination de Rome, les ports de la Bétique48 servaient d’entrepôts et d’étapes intermédiaires entre le Maroc et l’Italie. Le port de Lixus (Larache) fut sous le règne de Juba II une base logistique d’entreposage de céréales et d’huiles destinées à l’exportation. L’huile d’olive, nous rapportent les historiens de l’époque, était entreposée dans des cuves en maçonnerie avant d’être mise dans les jarres et chargée à bord des bateaux qui la transportaient non seulement à Rome, mais vers les autres provinces éloignées de l’Empire.

Ne peut-on pas déceler dans cette procédure la première forme du régime de l’entrepôt sous douane ? La comptabilité de ses mouvements ne pouvait s’effectuer, à l’évidence, que sous les auspices d’une autorité dépendante du pouvoir central qui fut probablement investie d’une mission, particulièrement douanière. Cette prérogative consistait à contrôler les opérations d’entreposage et d’exportation.

Il y aurait lieu donc de conclure que le régime douanier qui aurait pu gérer cette intense activité commerciale découlait du système fiscal instauré dès la plus haute antiquité. Ce système visait à prélever des impôts sur les marchandises franchissant les frontières. Ces impôts, perçus à l’importation et à l’exportation, avaient pour objet d’alimenter les caisses du pouvoir central. Les études historiques ont permis d’établir, essentiellement par l’épigraphie, que les Romains avaient un régime fiscal qui incluait un système d’imposition directe et un système d’imposition indirect englobant les taxes douanières. 

Les empereurs de Rome disposèrent d’une armée régulière, sérieusement entretenue, avec un salaire permanent. Ils avaient aussi réussi à utiliser très largement le relais que constituaient les villes répandues sur tout le portour de la Méditerranée. Ils avaient mis en place une Administration au sens actuel du mot. L’Empire fut établi sur une base financière à laquelle Auguste porta une grande attention. Cet Empereur bénéficia, d’ailleurs, de l’annexion de l’Etat qui avait servi de base à son rival et où fonctionnait le système fiscal le plus avancé de l’époque. Auguste fut également conscient de la difficulté de maintenir Rome et l’Italie où s’entassaient et s’accumulaient les richesses du monde, exemptes de toute imposition. Les revenus de l’empire reposaient donc largement sur les échanges : le portorium, les droits de douane et la taxe sur les ventes. 

L’étude réalisée par Flaume49 permet de retrouver un certain nombre de services fiscaux actifs dans les provinces. On peut citer dans ce contexte l’exemple de la Gaule où le régime fiscal s’apparentait vraisemblablement le plus au régime de la Mauritanie Tingitane. Il faut signaler, au demeurant, que les liaisons terrestres, toujours précaires, entre les deux Mauritanies, Tingitane et Césarienne, semblent avoir été définitivement rompues, de sorte que la Tingitane fut rattachée au diocèse des Espagnes, tandis que le reste du Maghreb constituait le diocèse d’Afrique. Dans la province des Gaules, précise la même source, les douanes (portorium du quarantième de Gaule) et les autres impôts étaient levés sur toutes les couches de la population. Ces indices laissent à penser que le premier régime douanier au Maroc aurait été basé sur le système romain des ”portoria”, qui furent des droits modérés perçus à l’importation. Ils correspondaient généralement au quarantième ou cinquantième de la valeur de la marchandise. Al’époque, la valeur était fixée par des commis de l’Etat : (Portitores ou publicani)50 qui avaient le droit de déballer, dénombrer et peser les marchandises. Ces agents accomplissaient les mêmes formalités que les inspecteurs vérificateurs des douanes d’aujourd’hui.

Rome aurait introduit en Mauritanie tingitane des Portoria”, qui étaient des postes douaniers crées et utilisés aux frontières et dans les ports par les Romains après la conquête de la Gaule. Mais, comme ce fut le cas dans d’autres provinces de l’empire romain, on peut supposer que le caractère douanier des ”portoria” s’altère avec la perception des impôts perçus aux limites intérieures de l’empire. Ils tendent alors à prendre la forme de droits de circulation ou de péage.

Par ailleurs, l’organisation douanière au Maroc pendant la présence romaine ne pouvait être conçue que dans une structure d’encadrement militaire qui avait été instauré avec une grande efficacité, notamment à Tingis, Lixus et Volubilis. Ces cités enregistrèrent d’intenses activités d’échanges commerciaux avec le monde extérieur. Cette organisation militaro-administrative s’effectuait sous la conduite de gouverneurs chargés d’administrer la Gaule et l’Afrique. Les gouverneurs portaient le titre de ”proconsuls”, l’un résidait à Lyon et l’autre à Carthage. Ils avaient sous leurs ordres les généraux qui commandaient les forces militaires des deux provinces. Les tribus Amazirh et gauloises avaient conservé leurs chefs respectifs, mais ceux-ci étaient contrôlés par des fonctionnaires romains. Les villes avaient une administration municipale et pouvaient disposer librement de leurs revenus. A ce titre, il y a de considérer que les recettes douanières des ports marocains avaient une affectation locale notamment à Tingis et au Lixus où l’on assiste à d’intenses activités d’échanges commerciaux avec le monde extérieur. En effet, les textes pullulent d’informations qui attestent que le Maroc exportait plusieurs produits dont la pourpre, les tables en thuya, les animaux sauvages et peut-être déjà le ”garum”51. Après l’annexion, en l’an 40, les relations commerciales de la Mauritanie Tingitane avec les autres provinces occidentales de l’Empire s’intensifièrent. Les marchés du Maroc furent, dès lors, envahis de produits gaulois, espagnols et africains, que l’archéologie ne cesse de mettre en évidence. Les mêmes découvertes archéologiques montrent l’importance des productions tingitanes. 

Les côtes marocaines étaient notamment équipées de nombreux ateliers pour la fabrication du ”garum”. A ”Cotta”, au sud de Tanger52, se trouve l’un des complexes de salaisons les mieux conservés du Maroc. La ville de Lixus, sur la rive droite de l’Oued Loukkos, abritait une dizaine d’installations du même type qui, réunies, formaient le plus grand complexe agroalimentaire de l’occident romain. D’autres installations de ce genre sont recensées à Mogador, Tamusida, Kouass, Tahadart et à Qsar Seghir. 


34 Jeanne Senechal: Tingis port d’arrivée des grandes caravanes d’Afrique noire dans l’antiquité.
35
Jeanne Senechal: ibid p. 15.
36
Archives marocaines T1.
37
L. Muller: Numismatique de l’ancienne Afrique.
38
Article de Maurice Bernier “ la géographie économique du Maroc dans l’antiquité” in Archives marocaine t1, p. 271.
39
Il existe aujourd’hui un endroit qui répond à cette position. Il s’agirait de Aïn Elkebrit au nord ouest du Maroc.
40
L. Mûller op cit.
41
Flavires Josèphe, Guerre des Juifs, II.
42
Mûller, IBID.
43
Maurice Bernier, op cit.
44
Inspecteur Général des Finances en France ancien Commissaire Général de la Productivité.
45
Ardant. op cite
46
De Chaurebierre, histoire du Maroc, 1931
47
P. Guiraud, Etudes économiques sur l’antiquité
48
Ancienne province romaine correspondant à l’actuelle Andalousie.
49
Les Fastes de la province de Nerbonnaise Paris 1978.

50
Publicain : emprunté vers 1170 au latin publicanus ”fermier de l’Etat”. Ce terme d’histoire antique désigne les riches chevaliers romains qui affermaient les revenus de l’Etat et, par métonymie, l’agent employé par ces chevaliers, choisi généralement dans la population locale.
51
condiment obtenu par macération dans du sel, de déchets de poisson, de laitance, d’oeufs et de sang ou encore d’huîtres ou de crevettes, très appréciés des Romains.

52
L’emplacement des ruines de cette cité est indiqué sur la carte du Maroc (édition Michelin)