La douane a été, à travers l’histoire, un sujet de préoccupation permanente aussi bien pour les professionnels des secteurs marchands que les écrivains et philosophes. Ainsi en rédigeant le discours sur l’histoire universelle, Ibn Khaldoun avait une conception significative de l’institution douanière1. Selon le philosophe arabe, ”les dynasties à leurs débuts restaient fidèles au bédowinisme2. Elles dépensent peu. Leurs recettes fiscales dépassent largement leurs dépenses. Mais par la suite, l’État prend les usages de luxe qui vont avec la culture sédentaire. Ces dépenses augmentent. Les impôts ordinaires n’y suffisent plus. Le pouvoir doit donc imaginer de nouvelles recettes. Il les trouve, en frappant les transactions commerciales. Il perçoit des droits sur les chiffres d’affaires, dans les marchés, et à l’entrée des marchandises importées dans les villes” .

Pour Montesquieu, ”là où il y a du commerce, il y a des douanes, l’objet du commerce est l’exportation et l’importation des marchandises en faveur de l’État, et l’objet des douanes est un certain droit sur cette même exportation et importation, aussi en faveur de l’État” .

Dans une lettre du 16 avril 1765, Voltaire utilisa un sens imagé de la douane : “il me paraît, écrivait-il, que la douane des pensées est plus sévère que celle des fermiers généraux , et qu’il est plus aisé de faire passer des étoffes en contrebande que de l’esprit ou de la raison3”.

DOUANE : nom général, impropre très souvent, car il recouvre aussi bien des droits d’usage ou des taxes de service, issus d’anciens tonlieux et d’anciens péages, que des impositions portuaires locales ou des taxes d’État perçues à l’entrée et à la sortie des navires et des marchandises . Ce mot n’était pas autrefois entendu, d’une façon générale, dans le sens où il e st habituellement perçu.

En général, la douane désignait un édifice que les commerçants de certaines villes faisaient élever pour y entasser les marchandises à leur arrivée des pays lointains d’où elles venaient. Les marchandises étaient examinées dans ces bâtisses et ce n’est qu’après avoir payé certains droits que leurs propriétaires pouvaient les mettre en vente. Certaines douanes furent particulièrement somptueuses comme celle de Bologne, construite en Italie au milieu du XVIème siècle par Domenico Tibaldi, passait pour la plus belle d’Europe. Les douanes de Gênes, de Barcelone, de Rome, de Ripa Grande, construites vers la fin du XVIIème siècle furent des monuments grandioses. 

Au Maroc, au début du XVIème Clenard signalait la présence à Fès de négociants européens établis “dans une grande maison appelée la Douane4”. Les Sultans Saâdiens firent édifier, à Fès également, une seconde douane pour les marchands chrétiens à Fès Jdid, près du Palais Royal, sans doute parce que la sécurité n’était plus bien assurée en plein centre de la médina.

En 1547, le Sultan Mohamed Mehdi Echikh édifiait à Marrakech, à l’emplacement actuel de la célèbre place de Jamâa Lafna, un des plus importants sièges de la douane marocaine5.

A Taroudant, un des Sultans Saâdiens transforma son palais en centre des douanes compte tenu du trafic commercial considérable que connut cette ville au XVIème siècle. A Fès, l’hôtel des Douanes construit en 1845 par le Sultan Moulay Abderrahmane n’est autre que la célèbre Dar Ennajjarine. A Rabat, l’édifice douanier se trouvait, en 1845, près de l’extrémité Est de la Quasba des Oudaya6.

A Casablanca, un arrêté du Directeur Général des travaux publics du 7/12/1914 approuva l’arrêté du pacha de Casablanca du 30/11/1914 relatif à l’alignement de la rue de la douane de cette ville au droit des propriétés ETTEDGUI et BAZLEN7. Avec sa porte, la rue de la douane constitue un des monuments architecturaux repères historiques de la capitale économique du Maroc qui semblent tomber aux oubliettes.

 


1 Al Muqaddima – Traduction Vincent Monteil Tome II p. 572.
2 Les gens de la badia (monde rural).
3 Voltaire : lettre Demi la ville, citée in encyclopédie “le littré”.
4 Le Tourneau Rogfer: Fès avant le protectorat.
5 Ibrahim Harakat : Al Maghrib Abra Attarikh. Gaston Deverdun : Marrakech des origines à 1912, t1, p 452
6 Jacques Caillé: Mission de Léon Roches à Rabat 1845 (Edition 1947).
7 B.O 112 du 14.XII.1914. La rue de la douane avec l’ensemble de ses immeubles sont classés monuments historique
de la ville de Casablanca.